Retrouvailles du sang au sang...

Deva se retourna, en entendant une voix qu'elle était certaine de connaitre, une voix familiere, non pas pour elle mais pour la propriétaire de ce corps si bien proportionné qu'elle exhibait aux yeux de tous... Elle fixa l'homme qui venait de l'interpeller, finit de mettre sa robe, et s'approcha de lui d'un pas lent...

"Bonjour Till..." Dit elle avec un sourire énigmatique...

"Ou devrais je moi aussi te dire père?
Je ne suis pas certaine que tu sache a qui tu t'adresse...
Dis bonjour à la nouvelle incarnation de Deva...
Et adieu a Aya....."

Son timbre de voix était grondant, mais en même temps aussi doux que le miel, presque onctueux. Elle tendit la main, et toucha l'armure de l'homme face à elle, l'effleurant seulement, pour ne pas risquer une blessure inutile. Ses longues ailes noires dépassaient de la robe dans son dos, enveloppant les deux protagonistes sous un voile d'ombre. L'ombre... Le monde, le terrain de Deva... Elle qui était née sous sa forme d'ange déchu, dans les ténèbres les plus profondes...

Shadow tournait autour d'eux, parfois devant Till, parfois derrière, comme une menace omniprésente dont il fallait se méfier. L'ange sombre se retourna, et s'éloigna de son adversaire et, quelques mètres plus loin, un Gardien se jeta sur elle, tirant à toute volée. La main de Deva se referma sur la gorge de celui ci.

"Vois Till...
Je ne suis pas comme celle que tu as pris sous ton aile...
Moi, je ne me soucie pas des détails !"

Et, dès qu'elle eut achevé sa phrase, elle referma le poing ! Le sang du Gardien l'éclaboussa de la tête au pied, comme de la liqueur de rubis. Des morceaux de chair arrachée allèrent joncher le sol. Derrière son visage barbouillé de sang, Deva lanca a Till un regard pénétrant, de ses yeux d'améthyste qui semblèrent se mettre a briller d'une lueur aussi forte que le soleil....

Père ? Aya ? Elle avait bien dis qu'elle était Aya ? Alors que le sang du Gardien l'éclaboussait, les battements de Till cessèrent d'être réguliers et devinrent chaotiques, de plus en plus. Aya... Il s'était attaché à cette femme... Comme la fille qu'il n'avait jamais eu... Il lui avait promis qu'il l'aiderait, qu'il lui ferait visiter le Multivers si elle était condamnée... C'était risible, tellement absurde...

-Tu ne pouvais pas mourir comme tous les autres hein ? Il fallait que tu reviennes me hanter...

Tous les autres... Son monde d'origine entier englouti dans une Apocalypse de métal et de magie. Leurs souvenirs venaient le hanter dans son sommeil... Mais maintenant, la seule personne à qui il s'était attaché mourrait... pour laisser la place à une créature informe, répugnante. A travers ses yeux jaunes les formes avantageuses de Deva se transformaient en autant de cornes et de cloques, son visage si bau pour les hommes n'était qu'un masque de cicatrice et de chair pourrissante pour lui.
L'énervement, la colère, tout ça n'était que des conneries, comme lorsqu'il avait tué Sath, c'était une autre émotion qui prit le dessus : la folie ! Son rythme cardiaque rapide et rythmé par ses pensées dérangées irrigua ses veines d'un flot de nanorobots qui ne se lâchaient que pour ces situations.
L'armure Ebenus de Till était unique, pas seulement par son principe de miniaturisation, mais aussi car elle répondait parfaitement aux émotions de son porteur. Des piques poussèrent sur ses épaules ainsi que sur ses coudes, tranchants et pointus. Des crocs en reliefs se formèrent sur son visage, s'ouvrant en un cri bestial. Ses doigts s'affinèrent à leurs extrémités, devenant armes de mort. Il tomba à quatre patte, respirant comme un loup essoufflé, une buée artificielle sortant de sa gueule démesurée.
Son fusil à la main droite, il se mit à courir, grimpant sur les murs pour sauter sur ceux d'en face, se rapprochant toujours plus de Deva, tirant des balles explosives pour couvrir son avancée. Arrivé à portée, il accrocha son fusil dans le dos, fit un bond défiant la gravité et tirant son couteau s'apprêta à trancher Deva. Un cri inhumain :

-AYA !

Sa folie meurtrière le guidant, Till n'était plus lui, il était l'Ebenus, un démon sanguinaire fait pour la guerre et le meurtre, le sang était son maître, la vie son trophée et les carcasses des autres son lit de mort.

L’aspect actuel de Till avait de quoi en effrayer plus d’un. Deva elle-même eut un instant un sentiment qui l’emplit, un sentiment ressemblant presque a de la peur, de la terreur. Mais elle occulta ceci pour ne se concentrer que sur une chose : Son corps réclamait du sang, encore plus de sang, et elle allait assouvir son désir avec celui qui s’approchait d’elle de facon dangereuse. Les explosions retentissaient tout autour d’elle, et elle fut assourdie un instant. Quand ses sens revinrent, elle vit Till tout pres d’elle. Ce fut à cet instant qu’elle décida de libérer sa forme originelle, la forme qu’elle possédait en Enfer…

D’une impulsion, elle rejeta l’homme qui se jetait sur elle, et le couteau qu’il tenait vola dans les airs. Son aura venait de se liberer, son aura de base, une aura plus noire que les plus profondes des ténèbres… celle-ci entoura l’ange déchu, comme si elle était plongée dans du goudron. La démone leva la tête vers le ciel, et se sa bouche sortit un hurlement strident, démesuré par le silence qui s’était installé autour d’elle. Ce hurlement animal retentit dans les rues de Totena, et provoqua une mini onde de choc. Un petit immeuble, placé pres d’eux, déjà abimé par le combat et la course de Till sur ses murs se mit à trembler… Il s’effondra dans un grondement de cauchemard… Le hurlement continuait de jaillir de la bouche de Deva, qui se transformait lentement, sous les yeux de son adversaire. Des tatouages tribaux apparurent sur son visage, s’étalant progressivement sur le corps de la jeune femme, jusqu’à entièrement le recouvrir, comme une malédiction écrite sur son corps. Ses yeux devinrent de flammes, sans cesse en mouvement. Ses ailes se replièrent et disparurent en son corps, tandis que ses ongles devenaient de véritables griffes. Ses dents muaient en crocs féroces, et son corps semblait s’assouplir. Toujours entourée de son aura, la démone se mit a quatre pattes, et grogna.

« J’ai faim…
Et tu vas me servir de repas, si tu ne t’en vas pas, petit homme… »

Dans un bruit de fin du monde, elle se jeta sur son ennemi, le saisit aux bras et l’entraina dans sa chute. Ils roulèrent durement sur le sol et cognèrent contre un mur qui explosa sous leur impact….

Till se réceptionna sans difficulté, son fusil toujours accroché dans le dos, il vit la transformation de son adversaire. Il tremblait, sa folie grandissante alors que son ancienne protégée devenait de plus en plus inhumaine. Les pics se firent plus nombreux sur son corps, il vit la charge du démon. Plutôt que d'esquiver ou de fuir, il enfonça ses pieds dans le sol et se plaça de telle sorte que Deva vint s'empaler sur les piques.
Le sang jaillit, mais pas suffisamment, Deva n'avait que de légères blessures et elle entraîna l'Ebenus. Ils percutèrent un mur, le traversant comme s'il était en papier et se retrouvèrent à rouler l'un contre l'autre.
Till ouvrit sa gueule artificielle et mordit l'épaule de Deva, ses griffes s'enfoncèrent dans les côtes, il lacérait la chair, se délectant du contact poisseux du sang, même à travers son armure, ses nerfs artificiels pouvaient ressentir cela. Il ignorait les coups que Deva lui portait, se foutant du métal noir déchiré qui crissait sous les ongles aiguisés du démon. Son propre sang se mêla au sien, deux liquides emplis de haine, de folie et d'une sorte de compassion. Comme s'ils se comprenaient malgré ce qu'ils étaient devenus.
Des larmes coulèrent sur le visage de métal sombre de Till, déchiré entre le plaisir de combattre, la joie du contact du sang et la peine d'avoir perdu Aya et de devoir tuer ce qu'elle était devenu.
Alors que la bête qu'il était devenu continuait de patauger dans les deux sangs, Till se détacha de son corps, voyant la scène comme un simple spectateur.

-Tout à commencé par la guerre et la folie, tout se termine comme ça, exactement de la même manière...

Né dans une Galaxie ou des milliards mourraient sur les champs de batailles, rescapé miraculé d'une dizaine de situations sans espoir, il avait intégré les Ebenus. Sous le contrôle d'Harold Ritter ils avaient trahis leur nation, leur chef et leurs familles pour poursuivre leurs idéaux, c'était comme aujourd'hui sur Toténa. Beaucoup ne comprenaient pas pourquoi Harold faisait ça, mais derrière l'apparente folie qui l'animait, en son fort intérieur David était réfléchi et tendait vers un but qui valait la mort de tout Toténa si nécessaire, lui y compris.
Harold, Sokolov et Till lui-même s'était juré que Gath était le coeur même de leur révolution, du futur de leur univers, et ils pensaient que c'était vrai pour le Multivers aussi désormais... Gath était l'espoir de l'évolution des êtres vivants... C'était le but de tous ceux qui avaient passé assez de temps avec Gath, le ramener de là où il avait disparu et recréer le monde avec lui.
C'était le pouvoir qu'avait Gath sur les gens, cette espèce d'aura étrange qui poussaient ceux autour de lui à le considérer comme un être supérieur qui méritait les plus gros sacrifices... Même après toutes ces années, Till et Harold n'avaient pas oubliés cette force étrange et étaient encore influencés par elle...

-Je ne peux pas me permettre de perdre, j'emporterai au moins le monstre que j'ai aidé à relâcher...

Réintégrant son corps, sa psyché se noyant dans l'océan de démence qui constituait son esprit, il prit un coup de fouet, mordant et griffant de plus belle. Redevenu Bête, mais sachant dans un coin de son esprit que plus aucun doute ne le retenait, il jeta ses dernières forces dans cette lutte mortelle...

La douleur emplit le corps du démon. Jamais un adversaire ne l’avait autant blessée. Leurs deux sangs s’épandaient sur le sol, recouvrant celui-ci d’une mare poisseuse et écarlate… Les griffes de Till déchiraient les cotes de Deva, tandis que celles de la démone se plantaient dans le dos de son adversaire, les dents de l’homme arrachaient a moitié son épaule, pendant que l’ange déchu dévorait son cou, tentant de lui arracher la carotide… Deva s’était blessée en se jetant sur Till, s’empalant a moitié sur les pics de son armure impressionnante, qui devenait plus terrifiante à mesure que les secondes s’écoulaient, et que la haine du combattant grandissait… Non… C’était plus que de la haine… C’était de la folie, de la folie pure qui s’était emparée de leurs deux corps devenus des armes meurtrières, au même titre que la bombe nucléaire… Deva se dégagea et se remit à quatre pattes, et le grondement qui jaillit d’entre ses lèvres annonça une attaque violente… Shadow, plus loin, ne bougeait pas d’un cil, comme le lui avait ordonné sa maitresse sans un bruit. Il observait d’un œil impassible leur lente et future agonie, comme une gargouille… D’un coup, la démone fit un bond magistral, et attrapa Till par le crane. Emportée par son élan, elle le rentra dans un mur de béton d’un mètre environ d’épaisseur, et le lui fit traverser avec violence. Ils se retrouvèrent à l’intérieur d’un endroit ressemblant presque à une cathédrale. Un grand endroit vide, paré de vitraux placés haut sur les murs… Sans prêter attention au magnifique cadre qui servait à leur combat, Deva hurla, puis continua la lutte. Elle sauta à nouveau sur Till, d’une impulsion, et, soudain…

- Tout à commencé par la guerre et la folie, tout se termine comme ça, exactement de la même manière...

Soudain, tout sembla se figer… Till, étendu au sol, avait ses griffes enfoncées dans le ventre de l’ange déchu, et celle-ci, au dessus de lui, se vidait de son sang, ses propres ongles en train de pénétrer la chair du torse… Ils semblaient comme des statues, incapables de bouger. Leurs regards étaient plongés l’un dans l’autre. Les animaux se fixait avant de reprendre leur lutte a mort… Il y avait quelque chose de redoutablement dangereux dans cette attitude immobile, comme si ce qui allait suivre déciderait de leur destin… Le liquide vital de Deva alla inonder l’armure sombre et glacée de son adversaire, et elle eut une grimace de douleur quand de sa bouche un sang presque noir jaillit dans une contraction de son corps, coulant sur le visage de son ennemi.

Till la repoussa de ses jambes musclées, et Deva alla percuter l’autel de l’église avec une brutalité inouïe. Le choc défonça le bloc de granit, et la jeune femme alla s’échouer de l’autre coté, invisible aux yeux de son ennemi… Quand celui-ci s’approcha, il put s’apercevoir que….

Les longs cheveux rouges de Deva étaient devenus violets pâles, ses yeux clos ne laissaient pas voir leur couleur, mais on pouvait les supposer d’un bleu azur plus limpide que celui du ciel ensoleillé. Les tatouages, les crocs, et les griffes avaient disparus. Le visage animal laissait place à celui d’un ange…

La peau pâle d’Aya scintilla sous un rayon de soleil, entré par un vitrail, qui vint la frapper doucement. La cicatrice le long de son bras gauche apparut progressivement… Etendue sur le dos, ses bras posé pres de son visage, les cheveux en éventail autour de son visage, et les lèvres légerement entrouvertes, elle semblait comme endormie, attendant le reveil...

Mais Aya n’ouvrit pas les yeux… Elle ne bougea pas, ses grands yeux clos, sa poitrine ne se soulevant pas sous une quelconque respiration. on sang continuait son lent chemin hors de son corps, son visage tuméfié n'affichait aucune expression... Là, étendue sur le sol, au milieu des éclats de pierre, la jeune femme restait immobile, sous les yeux de Till…

Till, le tourbillon de fureur l'animant lui permit de survivre à son adversaire. Désormais livrant bataille dans un sanctuaire de paix, il venait de remporter le combat. Epuisé, au bord de la vie e de la mort, plus tout à fait humain mais pas tout à fait démon. Lorsqu'il vit Aya redevenir elle-même son armure le quitta, ne restant que là où ses blessures devaient être contenues.

Il commença à se diriger vers elle, l'esprit vide, incapable de savoir ce qu'il voulait, l'embrasser, s'assurer de sa mort ? La rejoindre ? Tenter de la sauver ? Peu importe, il fallait d'abord qu'il s'en approche.

Morte, un morceau de chair, aucune palpitation, aucun désir, aucune pensée. Une statue de fluide et de muscles, d'os et de tendons, une marionnette cassée, tout comme l'était Till. Si ce n'était que lui, son marionnettiste ne l'avait pas encore abandonné. Le maître des poupées lui coupa pourtant les fils reliées à ses jambes, le faisant tomber à genoux, le visage à quelques centimètres de celui d'Aya.

Il approcha sa main pour caresser sa joue... Celle qu'il avait voulu être sa fille, sa vie, il l'avait tué, pour la libérer de son démon... Il n'y avait pas d'autre solution, Harold ne pouvait pas enfermer un démon libéré de cette puissance. La seule chose qu'il fallait faire c'était libéré l'esprit d'Aya, la renvoyer de son corps en même temps que le démon, détruire l'enveloppe... Et ça Till savait le faire... mieux que quiconque ils avait tuer, massacrer... Sa caresse se transforma un griffure, trois traits rouges se formèrent sur la joue de Aya.

Qu'est-ce qu'il faisait ? Sa main gauche traça une fine ligne de sang du cou jusqu'à la naissance des seins. Elle voulait plonger et attraper le coeur, le dévorer, Till le savait. Mais qu'est-ce qu'il se passait ? Pourquoi n'était-il pas maître de son corps ?

Les couleurs s'évanouirent, le sang cessa de couler, seuls les yeux de Till pouvaient encore tourner. Une forme apparue dans cette interstice du temps, une masse brumeuse dont Till reconnu les trais, c'était lui, sa forme Ebenus, mais elle avait un côté plus sauvage, plus libre, comme si elle agissait seule. Elle se pencha sur le cadavre d'Aya et mordit le cou, séparant la tête du reste du corps, puis elle plongea les main, retirant le coeur et le dévora. Alors dans un grondement elle ordonna :

-Manges son coeur ! Le pouvoir de voyager entre les mondes ! Celui d'être enfin libre, aucun champ de bataille ne nous échappera ! Plus rien ne nous retient parmi les mortels, nous avons franchis le cap de l'Humanité nous sommes les rebuts d'une époque sans pitié et sans âme, une époque oubliée et désormais prisonnière des cendres ! Nous devons à nouveau étendre le champ de bataille ! Trahir, manipuler, tuer, massacrer, torturer ! Nous sommes l'ébène, le bois dur et froid, qui reflète le monde qui l'entoure. Et ce monde est un fleuve de morts, alors nous seront la Faucheuse !

La vision se dissipa, Aya était encore en un seul morceau, Till se pencha sur elle, la moitié de son visage sous forme Ebenus allongea ses crocs, prêt à les enfoncer. Tremblant, Till résista.

-Non ! Arrêtes ! Je ne veux pas ! Non !

L'instinct cannibale de l'armure était plus fort, le métal noir le recouvrait, reléguant sa conscience au second plan. Il résistait en vain, la technologie surpassait l'homme, déjà harassé et presque mort. Till n'avait plus la force de contenir Ebenus, il se laissa couler dans les tréfonds de son âme, le torrent de folie l'engloutissant, le laissait juste spectateur des actes d'Ebenus.

Les crocs étaient proches, ils touchèrent la peau d'Aya, faisant jouer la résistance de la peau pour au final la faire lâcher, faisant couler un mince filet de sang.

Son sang se mit à couler… De sa gorge entaillée par les dents de Till, de son visage, déchiré par les griffes acérées… Aya ne ressentait aucune douleur, juste une libération…. Mais elle savait… Elle savait que sa mort n’entrainerait pas forcément celle de Deva… Cela pouvait tout simplement la libérer, qu’elle se matérialise sous son propre corps… Elle ne pouvait pas laisser faire cela. Mais Till… Il était là, près d’elle… La dévorant vivante… Mais savait il qu’elle était vivante? Aya elle-même en doutait, à vrai dire…

Sa main se leva lentement, douloureusement, pour se poser sur la peau couverte de métal de Till. Sa morsure… Une ultime étreinte avant l’extinction. Le dernier baiser… Doucement, le bras meurtri et couvert de sang se releva, et la main fine se posa sur la joue de l’homme qui la déchirait.

« Je t’aime… »

La voix faible, tremblante, Aya avait mis toutes ses dernières forces dans ces simples mots… Ses souvenirs s’estompaient, son corps semblait flotter dans une aura blanche, si pure, aussi pure, peut être, que celle de Michel, l’archange qu’un jour, un jour pas si lointain, la jeune femme avait tué, sous l’influence du démon qui l’habitait… Elle se sentait partir, loin, dans un monde ou toute douleur aurait disparu, un monde où elle serait avec Till, qui l’aimerait comme elle l’avait rêvé, mais comme il ne pouvait l’aimer…

Doucement, Aya ouvrit les yeux… Leur lueur bleue inonda le corps de l’homme penché sur elle. Elle n’arrivait plus à parler, plus a articuler le moindre mot. Elle avait tant de choses à dire encore a Till, et pas la force nécessaire pour le faire. Elle lui remonta la tête, jusqu’à la mettre en face de la sienne, et plongea son regard dans le sien, ses yeux bleus dans les yeux jaunes qui la faisaient frémir…

« Till…
Je t’aime… »

Elle tendit les bras, comme pour le serrer contre elle… Ses mains s’empalèrent sur des pics dans son dos, se transperçant de part en part… Soudain, elle raffermit sa prise, et le colla à son propre corps. Les pics acérés parsemant son torse se plantèrent dans sa chair fragile. L’un deux transperça son cœur, le rendant inutilisable, si l’on voulait lui prendre ses pouvoirs, son pouvoir de traverser entre les mondes… Le corps déchiqueté… L’âme plus meurtrie que jamais… Une larme, une unique larme coula lentement de son œil d’une douceur incroyable, alla rouler sur sa tempe, et termina sa course dans ses cheveux. Avec une grâce infinie, ses grands yeux se fermèrent, et son corps détendit chaque muscle…

Aya était morte, ici s’achevait sa longue destinée…

Une lumière étincelante jaillit alors de sa poitrine, et alla se poser au sol, à quelques mètres de là, au milieu des débris de l’autel, et grandit, grandit jusqu’à atteindre une forme humaine, aux cheveux rouges, aux yeux violets et a la poitrine opulente… Deva était née, forme matérielle dans son propre corps…

Les longs cheveux couleur de sang frais de Deva ruisselèrent sur ses épaules comme de l'eau. Ses grands yeux d'améthystes scintillèrent a la lueur des flammes qui commençaient à se deverser par le trou qu'avait formé leurs deux corps en lutte. Son regard se posa sur Till, collé a Aya. Les pics de son armure avaient transpercé le corps de sa protegée de tout cotés, de part en part. Autour d'eux, une tache vermeil commença à s'étendre et à s'agrandir.

Des sentiments contradictoires envahirent Deva... Elle voulait plonger ses griffes dans le corps de ce monstre, le déchirer... Elle désirait reprendre leur lutte, jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un seul d'entre eux, jusqu'à ce que le monde s'effondre, peut être... Mais ce qui avait été ne pouvait plus être, a présent... En mourant comme elle l'avait fait, Aya avait tout prévu... Une partie de l'ame de l'innocente avait été transmise dans le tout nouveau corps de la monstrueuse tueuse qu'elle avait libérée... Son empathie, sa gentillesse, sa générosité, tout ceci se battait interieurement avec l'instinct d'animal, l'envie de sang et de meurtre, le sadisme...

Une larme, toute petite, presque inexistante, roula sur sa joue, glissa le long de son cou et alla s'écraser dans sa clavicule creuse. Froncant les sourcils, Deva ne comprenait pas... Elle n'avait versé de larme depuis si longtemps... Si longtemps...

Ses canines s'allongèrent, devenant des dents ressemblant à celles des vampires, ses ongles prirent cinq ou six centimètres... Mais Deva garda les bras le long du corps, tandis que de ses grands yeux brillants se mirent à couler des larmes en pagaille... Sans bruit, sans un sanglot, sans un mouvement... Simplement de l'eau ruisselant sur son visage...

Elle s'essuya de la manche de sa robe....

La démone s'approcha a pas lents de l'homme couché sur son ancien hôte. Elle tendit le bras, et posa sa main sur son épaule droite, dépourvue de pics.

"Elle a trouvé la paix..."

Puis, dans un souffle de vent, elle disparut... Le poids de sa main sur Till s'évanouit, et il put entendre un soupir l'entourant... Comme le soupir d'un ange...

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Till vit Aya mourir face à lui, face au monstre qu'il était devenu. Il aurait dû pleurer, être triste, mais il n'y arrivait pas.

Son esprit coincé à l'intérieur de l'armure n'éprouvait aucun sentiment, sans corps pour supporter ses émotions. Il était un fantôme, un spectateur inutile, tout juste bon à ressentir un peu d'empathie pour l'homme qu'il était, pour ce qu'il avait fait et surtout, il éprouvait un total détachement face à l'Ebenus, ce vieil ami qui l'avait sauvé tant de fois.
A quoi bon combattre ? Il aurait dû mourir en même temps que son monde, que son univers et que sa patrie voilà des années sûrement. Il savait qu'il devait aider le Haut Maréchal à trouver Gath, mais quelle importance ? Sans la lumière d'un être supérieur pour les guider, les hommes comme lui n'étaient rien d'autres que des bouchers. Il n'y avait aucune différence entre lui et un tueur en série, si ce n'était que les massacres qu'il avait perpétré avaient une finalité heureuse pour un plus grand nombre.

La lassitude l'envahit, ce film n'était décidément pas très intéressant, cette vie ne l'était pas. Les acteurs principaux avaient quitté la scène depuis bien trop longtemps, l'action n'était plus qu'un rabâchage de violence et de haine, de faux nobles principes. Même la déclaration d'amour d'Aya lui semblait être prévisible, comme un scénario mal rôdé, la pellicule grisâtre et vieillotte le faisait bailler. Un vieux film de série B, sans aucun intérêt...

Ses propres yeux à l'intérieur de son esprit se fermèrent doucement, à quoi bon continuer de regarder ? Le scénario était dans les mains d'un autre, qui avait la volonté de continuer... Un objet inerte, une armure, qui prenait le contrôle du porteur... Une étrange idée, Till sombra dans les ténèbres alors que cette pensait lui arrachait un dernier sourire.

-Tu rigoles j'espère ?

Un flash lumineux brûla le rétine imaginaire de Till. Le temps qu'il s'y habitues, il entrevit l'endroit où il se trouvait. Des armures Ebenus s'alignaient le long d'un mur, une vingtaine dans une salle métallique, éclairée par des néons bleutés et faiblards. Debout face à l'une des pièce maîtresse des armées terriennes, il contempla son ancienne armure, celle qu'il avait perdue dans son ancien monde, avant de mettre la main sur celle qui venait de le reléguer au fin fond de son esprit.
Que faisait-il ici ? Qui l'avait ramené ?

-Tu rigoles en pensant à abandonner ? Hein ?! Tu as déjà oublié qui tu es ?

Till se retourna, assis sur un banc, le visage perdu dans les ombres de la salle, il crût reconnaître...

-Laisses-moi te rafraîchir la mémoire, laisses-moi te rappeler pourquoi tu as été un Ebenus !

L'homme se leva, Till trembla en le voyant. Drapé dans une vieille cape noire, ses longs cheveux blonds descendants jusqu'au épaules reflétaient la lumière. Ses traits si fins, si beaux étaient figés dans une expression de concentration absolue. Ses yeux verts émeraudes transpercèrent Till de part en part, fouillant sans ménagement son coeur et son cerveau.

-Tu as pour mission de me protéger, tu es l'un des gardiens de ce que je suis ! Et par dessus l'homme, tu protèges les idées qu'il symbolise, l'espoir et la peur... Till ! Ton serment !

Un déclic se fit dans le soldat vieillissant. Il se revit face à ce même homme, tout deux plus jeunes, cet être surnaturel qui était le fruit de technologies presque divines ? Gath... Le Fils de l'Homme, si l'homme ne pouvait pas égaler Dieu, alors l'homme créerait un être capable de surpasser ce Dieu...

-Till ! Ebenus Till Sarnof !

« Et jamais plus je ne tournerais le dos à la mort, car ma plus grande peur n'est pas de mourir mais de vivre sans protéger Gath, et la peur que je laisse derrière moi, je l'utiliserai et la déverserais sur mes ennemis ! Car je suis un Ebenus ! Un homme qui domine les vivants ! Un être supérieur aux simples humains, et ce, non pas pour les diriger mais pour les défendre contre leurs ennemis ! »

-Bien... Tu t'en souviens donc...

-Gath, je...

-Enfiles ton armure Till !

Obéissant à celui à qui il avait juré de donner sa vie, il commença à endosser son ancienne cuirasse. Mais alors qu'il mettait le premier avant bras, un douleur lui déchira les muscles. Gath imperturbable commenta :

-Tu te relies à ton corps, tu chasses les instincts cristallisés en une personnalité, je veux parler de l'Ebenus qui a pris le contrôle.

Till continua, la douleur secouant son corps alors qu'il se reliait aux multiples blessures qui continuaient de tirailler ses nerfs. Alors qu'il allait mettre le casque, Gath le stoppa.

-Une fois que tu auras mis ton casque, tu retourneras dans ton corps tes émotions vont revenir, ne les laisse pas te submerger, tu es un homme certes, mais tu es avant tout un soldat, un de mes gardiens, ne perds pas de vue ceci !

Till termina de s'équiper et alors que le noir se faisait, il entendit Gath une dernière fois.

-On se reverra...

Till réintégra son corps. Éblouis par la quantité d'information que son cerveau devait gérer, il resta immobile une longue minute. Tout lui revint subitement, de la perte de contrôle jusqu'au derniers mots de Deva...

Le flot de sentiment menaça de l'emporter une fois de plus, mais cette fois il se souvenait de la manière d'agir. Il se rappelait comment il avait fait sur d'innombrables champs de batailles... Tout fut aspirés par ses sens aiguisés, colère, haine, désespoir, amour, tristesse et angoisse se déversèrent hors de son corps alors qu'il se comporté en guerrier, son cerveau n'accordant d'importance à rien d'autre que les données stratégiques courantes.

Les blessures de Till étaient profondes, il baissa le regard et vit le corps d'Aya, presque froid et déjà presque dévoré. Sans hésitation, il planta les crocs de l'armure Ebenus à nouveau dans la chair tendre et délicate du cadavre. Il captura son coeur avec sa main gauche et l'avala d'un coup. Un corps n'était plus qu'un corps, les souvenirs d'Aya étaient la seule chose qui comptait, et si son corps pouvait lui servir à reprendre le combat, alors Till ne s'encombrerait pas de sentiment. Il continua son sinistre repas durant un temps qui lui sembla interminable.

Puis, empoignant son fusil d'assaut et ne laissa que des os sanguinolents derrière lui, il se concentra sur sa nouvelle mission. Trouver Deva et la tuer avant qu'elle ne commette plus de problèmes au Haut Maréchal et donc à Gath...

Il quitta la salle, laissant derrière lui le Till qui était né après la destruction de son monde. Inconsciemment, il remercia Aya de l'avoir permit de redécouvrir sa vraie nature, celle du parfait soldat, du parfait gardien... Une larme s'écrasa au pied de l'armure de Till, il ne le remarqua pas, les nanorobots séchant déjà la métal recouvrant sa joue droite.

» "Et quand tu lèveras les yeux au ciel, mon corps y sera, baigné de sang, victorieux" Bataille du Palais de Justice de Toténa